Il y en a – et j’en connais – qui emballent le catalogue IKEA sous le sapin. Pour saugrenue que soit l’idée, n’empêche pas l’édition 2021 de ressembler à un numéro collector. A conserver au chaud tout comme cet autre accessoire jadis très prisé dans les commissariats (du temps du film Les ripoux) qu’est l’annuaire téléphonique, le bottin papier.
De quoi bizarrement m’inspirer une histoire d’encre.
Avec une expo intitulée Nódoas, mot portugais signifiant «taches». La tache, c’est une altération, notamment de la couleur; c’est aussi synonyme de souillure morale. Et c’est de cela dont il est question à travers les 8 œuvres sur papier de João Jacinto, travaillées au charbon et actuellement exposées au Centre culturel portugais Camoes.
La tache – humaine en l’occurrence –, c’est également le titre du «roman brutal et subtil» de Philip Roth. Sinon, notez que Victor Hugo s’est, lui aussi, livré à de vastes compositions de taches – c’était un jeu en vogue dans la première moitié du XIXe siècle – taches qu’il craignait de pousser trop au noir, «par la faute du papier qui boit beaucoup».
Si je vous parle de Victor Hugo, c’est parce qu’à l’occasion du 150e anniversaire du dernier séjour de Victor Hugo à Vianden, alors proscrit et exilé pour avoir défendu toutes les formes de liberté possibles, le Musée Littéraire «Victor Hugo» de Vianden vient de lancer un concours de poésie francophone ayant dès lors pour thème «La Liberté».
Les textes, clairement manuscrits ou dactylographiés sur papier blanc, doivent donc être écrits en langue française et inédits. Ils doivent comporter au moins quatre lignes et ne pas dépasser une page type A4. Les œuvres sont à envoyer, jusqu’au 4 avril 2021, par mail: musee@victor-hugo.lu ou par courrier à l’adresse suivante: Musée Littéraire Victor Hugo, B.P. 20, L-9401 Vianden.
Chaque participant(e) présentera un seul et unique texte – sans oublier de préciser ses nom et prénom, date de naissance, adresses électronique et postale, numéro de téléphone.
La proclamation des résultats – trois prix en lice, de 400 euros pour le 1er, 300 pour le 2e et 200 euros pour le 3e – aura lieu en juin 2021. Les poèmes sélectionnés pourront être interprétés lors de la remise des prix, faire l’objet d’expositions, de publications ou d’enregistrements.
Avec le peintre João Jacinto – né en 1966, enseignant à l'Ecole de Beaux-Arts de Lisbonne –, la mort est aux abois, tapie dans des paysages aux allures de champs de bataille, avec arbres calcinés et clous croissant à la place des fleurs. La facture est néo-expressionniste, héritière du vocabulaire de suie, de cendre et de ruine de l’artiste allemand Anselm Kiefer, sauf qu’avec Jacinto, le désastre qui se trame fait écho non à la guerre mais au chaos généralisé qui habite notre époque.
La violence obsède Jacinto, qui l’explore par la citation. Et donc, après Kiefer, voici le Caravage. Le temps de trois portraits. De femmes. Trois versions de la célèbre Méduse (ou Medusa) caravagesque.
Dans la mythologie grecque, Méduse, l'une des trois Gorgones, la seule mortelle parmi ces terribles sœurs, et dont le pouvoir est de conjurer le mauvais sort, est décapitée par Persée. Jacinto la représente la tête à l’envers, accrochée aux joues par un cordon, de façon à pendre comme un masque (voir photo).
Plus loin, de la Méduse à la bouche ouverte – un cri muet éprouvé trois siècles plus tard par Edvard Munch –, Jacinto en propose un épitomé graphique, en miroir, comme pour mieux exprimer la force émotive du portrait, un tantinet androgyne, et symboliser l’humain emporté dans une crise d’angoisse existentielle, où le silence transforme une victime en bourreau, et vice versa.
Plus loin, une autre Méduse, à la chevelure hirsute, hachée à gros traits noirs: cette fois, la tête est déposée/couchée sur une étagère, comme un énième emprunt caravagesque, en l’occurrence à la Décollation de Jean-Baptiste.
Ça vaut le détour, sauf pour les âmes cafardeuses…
Infos:
Au Centre culturel portugais Camoes (rue Joseph Thorn, Luxembourg-Merl): João Jacinto, Nódoas, oeuvres sur papier, jusqu’au 3 mars 2021.
En ces temps difficiles, notez par ailleurs que la Kulturfabrik (Esch-sur-Alzette) a décidé de faire vivre la musique sous la forme d’une série de radio sessions intitulée «Aircheck». Prestation live il y a, mais non accessible au public (en raison des restrictions sanitaires) et dès lors diffusée sur l'antenne de la radio 100,7.
C’est le cas ce jour avec Heavy Petrol, groupe luxembourgeois de blues, et ce le sera encore avec collectif belge Great Mountain Fire (voir photo), dont le concert sera diffusé le samedi 19 novembre, à 17.00h.
Movements, le troisième et dernier album de GMF, «regorge de trouvailles piochées à la source, sur des microsillons de collection et autres trésors glanés dans les contre-allées d’un funk millésimé. Ici, tout est donc question de groove et d’émotions». On nous l’assure, «dans ce trip post-disco, les nappes de synthés se déploient comme des arcs-en-ciel sous un soleil couchant».
Et par les temps qui courent, ça ne se refuse pas.
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