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Billet d’août

Marie-Anne Lorgé

Un papillon passe. Je le suis des yeux, dans la moiteur d’un été (presque) revenu…


C’est la mi-août, le cap de saison. Dans les premières mûres – il paraît du reste que des champignons se hasardent déjà dans les bois –, les ombres s’allongent, les déjeuners au vert et autres pique-niques sur l’herbe aussi – j’ai un souvenir en couleur, le rouge: tomates en rondelles, tarte aux cerises et grenadine. Des volets patientent encore baissés, des rideaux tirés sur des fleurs fanées, à l’image de certaines chansons taillées comme des cartes postales – notez, elles sont à nouveau tendance les cartes qui ramènent des bons baisers d’ailleurs.


Mais la magie de la mi-août, c’est dans le ciel qu’elle opère. Comme dans le Songe de Shakespeare. En tout cas, le ciel en question est nocturne et sa pluie n’est pas de nature à transformer vos plates-bandes en gadoue.


En fait, la magie en cause est un arrosoir de merveilleux. Et le plus phénoménal, c’est que ça se répète chaque année à la même période. A l’origine, un dé de théogonie, ou de mythe, et l’habitude qu’a la Terre, comme une transhumance estivale têtue, comme une caravane en pilotage automatique, de repasser tout près de l’orbite d’une comète particulière baptisée prosaïquement 109P/Swift-Tuttle. Eh quoi?



Eh bien, cette comète crèche dans une constellation dite de Persée – déjà répertoriée par Ptolémée au Ier siècle – ainsi nommée parce qu’elle est censée représenter… Persée, le héros de la mythologie grecque qui sauva Andromède.


Toujours est-il que dans cette constellation, la comète 109P/Swift-Tuttle … crache. A la mi-août invariablement, comme au terme d’une grossesse (ou d’un bannissement?), elle expulse un essaim de poussières, ces météores gros comme des grains de sable, qui, entrant dans l’atmosphère, s’enflamment pour filer tout lumineux dans l’eau noire de la nuit. En tout cas, dérivant de Persée, ces lucioles célestes, pointillés de lumière, larmes fugitives, sont de ce fait appelées «Perséides» (cqfd), ou, plus poétiquement des «étoiles filantes».


Spectacle plein air gratuit. Bien sûr magnifique. A condition de ne pas se coucher de bonne heure (contrairement à Proust dans Du côté de chez Swann). Et donc de veiller. Le pic noctambule se situait idéalement entre le 12 et le 13/08, mais si vous avez raté le coche – en raison d’un ciel bâché ou d’une paresse inavouable –, il est encore possible de décrocher la lune ou, plutôt, de faire un voeu jusqu’au 14/08.


Rassembler dehors des yeux levés, des nez tendus, elle tient à ça la magie des Perséides, mais donc aussi à cette chose bizarre, aussi folle qu’irrésistible, aussi universelle qu’intime, le vœu, cela qui meurt comme un flocon sur le doigt (dixit Yann Queffélec dans Osmose).


J’ai dit «intime»? Oui. Pour rimer avec le festival du même nom. Un rendez-vous littéraire – qui en est à sa 11e édition, initié par Benoît Poelvoorde – qui fait la part belle à la mise en voix. Au partage oral du texte. A cette lecture publique à voix haute qui catalyse des rencontres directes, «c’est beau quand le roman, dans sa langue, sa forme, son fond, touche le lecteur».


Dans le programme, une constellation magnétique, aussi sublime qu’un flot de Perséides, je coche Antoine Wauters, poète prosateur parfois déroutant, toujours chaviré/chavirant, auteur déjà de Césarine de nuit, de Nos mères et de Mahmoud ou la montée des eaux, dont le dernier roman Le plus court chemin – à paraître chez Verdier le 24 août – donnera parole à l’acteur belge Yannick Renier: «Le roman d’Antoine est fait de fragments, de tranches de souvenirs (…). Il y a sa vie dans ce petit village avec sa famille, sa nostalgie. Et toutes ses réflexions sur l’écriture, fortes, pointues, complexes. Et son propre chemin sur son rapport à la mort, au vivre».


L’Intime festival se déroule traditionnellement fin août, en l’occurrence du 18 au 20 août, toujours à Namur, au Théâtre royal – pour le duo Wauters/Renier, bloquez le samedi 19 à 14.00h.

Infos: intime-festival.be

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