Pour l’heure, Eunice nous rince, et nous décoiffe. Apparemment, c’est dans l’ordre des choses pour une déesse marine transformée en tempête. Et donc, voilà comment un peu de mythologie grecque explique notre météo, entre un carnaval qui ne bat aucun masque (du moins en Belgique, sauf à Martelange où le folklore s’invite par-delà les stations-service) et la fin d’une semaine dédiée à Cupidon.
A ce propos, notez que le Musée national d’histoire et d’Art (Luxembourg) célèbre les retrouvailles des époux van Leyden, séparés depuis 150 ans par les aléas du marché de l’art, et donc, désormais réunis, le MNHA ayant retrouvé la trace du portrait de Maria van Leyden, après l’acquisition récente du portrait de son mari, Adriaen van Leyden – ami personnel de l’empereur Charles Quint –, originellement attribué à Nicolas Neufchâtel, peintre majeur de la Renaissance. A défaut d’émouvoir les amoureux, l’info devrait séduire les fondus de maîtres anciens.
Et puisqu’on en est à la peinture, petite visite de la galerie Nosbaum Reding, qui propose Cartographie des possibles, une choralité de voix issues de la diaspora africaine. Huit artistes s’y collent, invités par l’inclassable Barthélémy Toguo, qui a décidé de faire de sa 4e expo monographique dans la galerie luxembourgeoise, un moment de partage. Il y est question des liens qui se tissent entre les corps et la Terre.
Morceaux choisis.
Toujours Barthélémy «nous montre l’individu comme un organisme relié à son environnement (humain et naturel)» par des sortes de «réseaux sanguins», de cordons ombilicaux. Il y a du flux, jaillissant ou circulaire. Le thème récurrent de l’arbre fait cette fois place à l’eau. Qui donne la vie. Incarnée tantôt par une silhouette féminine enceinte, nue, abritée sous un parapluie-canopée, tantôt par un crâne: elle raconte son cycle en cinq lavis… placentaires (photo ci-dessus: Barthélémy Toguo, Come and share life 1, 2022, Encre sur toile, 60x60cm).
Sinon, il y a Jacob Fall, artiste récupérateur sénégalais, qui recycle des couvercles de canettes jusqu’à obtenir des fils qu’il tisse/assemble. Avec pour résultat, une fine et lumineuse broderie murale qui renvoie «à l’enchevêtrement des rapports humains par-delà les frontières physiques ou idéologiques». En tout cas, un travail de patience où le geste répété est essentiel, un rapport au corps et à la matière également, à la condition humaine évidemment.
Rapport que l’on retrouve dans les sculptures du Congolais Freddy Tsimba, des bustes fabriqués à partir de cuillères, de capsules, de clés, de cartouches de balles aussi. Et rapport que l’on retrouve encore dans La passion du quotidien du plasticien et calligraphe togolais Richard Laté Lawson-Body, dont l’écriture picturale – qui n’est pas sans rappeler le dripping à la Jackson Pollock – évoque la pollution des fonds marins, et autres poussières terrestres toxiques.
Et puis, il y a Amy Sow, artiste mauritanienne autodidacte qui consacre sa peinture à la condition féminine, plus singulièrement à la vie de la femme africaine, notamment peule – peuple dont elle est issue – et aux violences que ces femmes endurent. Dans sa série La femme voilée, la pluie de pointillés, sinon de larmes, qui tombe en rideau sur des visages anonymes, schématisés au trait noir et noyés dans des surfaces colorées, parlent en fait du voile qui occulte notre regard occidental.
Infos: Galerie Nosbaum Reding, Rue Wiltheim, Luxembourg, jusqu’au 12 mars, tél.: 28.11.25-1, www.nosbaumreding.com
Sans doute qu’il n’est pas capital de le savoir, mais je vous le dis quand même: à la prochaine Biennale d’art de Venise, du 23 avril au 27 novembre 2022, «plus de 80% des artistes conviés à l’événement sont des femmes». Et Luxembourg est de la partie, avec Faraway So Close, une installation picturale ambitieuse de Tina Gillen.
En tout cas, le titre choisi par Cecilia Alemani, la commissaire de cette 59e biennale, c’est Le lait des rêves (Il latte dei sogni), tiré en droite ligne d’un livre de la peintre surréaliste Leonora Carrington, «qui a fui l’Angleterre pour le Mexique et a traversé l’ensemble du XXe siècle». L’idée est de redonner de l’espace à des histoires insolites, «à des œuvres qui n’ont rien de politiquement correct». Et «la provocation ne manquera pas». Plantée dans ces questions de fin d’un monde: «Quelles sont nos responsabilités envers nos semblables, les autres formes de vie et la planète que nous habitons? Et quelle serait la vie sans nous?».
Chemin faisant, plus près de chez nous, à la Banannefabrik – lieu du 3CL, Centre de création chorégraphique luxembourgeois, 12 rue du Puits à Bonnevoie –, pour les amateurs «d’espace de libération», il y a la nouvelle création du chorégraphe William Cardoso, le solo Dear mum, qui est «un voyage intérieur, une lettre à ma mère, ton père, nos sœurs et nos frères … Un chemin qui nous amène aux facettes les plus sombres de notre univers intérieur, là où il y a peu de couleur, où on entend seulement l’écho de nos pensées». Le solo s’accompagne de Raum, un «cri étouffé que l’on maintient depuis trop longtemps en nous».
ça se passe le 19 février à 19.00h, ainsi que le 20/02, à 16.00h. Réserv. tél.: 40.45.69, www.danse.lu
Comments