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Marie-Anne Lorgé

«L’art, c’est la conscience»

Dernière mise à jour : 26 oct. 2021

Passeurs d’art, c’est le titre donné au colloque international qui, ces 21 et 22 octobre, au Mudam Luxembourg et à l’Université du Luxembourg/ Belval, vient de réunir des responsables d’institutions (dont muséales), des chercheurs, philosophes et sociologues, des décideurs aussi, afin d’apporter des réponses à la question de la valorisation des métiers de la culture et au «comment accompagner la transmission de l’art, dans toute sa complexité».


Un colloque organisé conjointement par l’Uni.lu (Faculté des sciences Humaines, des sciences de l’Education et des sciences Sociales) et Luxembourg Art Week (LAW). Or, qui dit LAW, dit Alex Reding, le fondateur en 2015 de cette désormais incontournable foire internationale d'art contemporain du Luxembourg – dont la 7e édition se déroulera du 12 au 14 novembre 2021 – et pilote d’une galerie qui n’en finit pas d’élargir sa portée.


Créée en 2001, alors baptisée Alimentation Générale et installée place de Strasbourg, la galerie a dès 2006 changé de nom (en galerie Nosbaum Reding) pour s’ancrer au Marché-aux-Poissons, rue Wiltheim, s’agrandir (dès 2007) et, en deux espaces séparés mais adjacents, développer des expos simultanées, d’artistes de renommée internationale d’une part, et d’autre part, de jeunes artistes émergents (d’ici et d’ailleurs, en l’occurrence présentés dans l’espace spécifique appelé «Nosbaum Reding Projects»).


La galerie a donc 20 ans, bail idéal pour faire un brin de causette avec celui qui la dirige, Alex, fonceur au franc-parler. Entre rétroviseur et perspectives, idées générales et confidences (photo ©Mike Zenari).



Le mot qu’Alex Reding déteste – disons plutôt qu’il le prend avec des pincettes –, c’est résilience. Parce que rabâché, galvaudé, surtout pendant le confinement.


Et le mot qu’il préfère, c’est courage – de préférence à audace: «il en faut pour se mettre en selle en hiver» – au sens propre, car Alex n’a d’autre choix que de tout faire à vélo eu égard à la suspension de son permis de conduire, une mobilité certes douce et saine, sauf qu’elle ne lui permet plus, faute de temps, de voir ses enfants à l’heure du déjeuner, à la maison (à Contern).


Toujours est-il qu’Alex Reding, qui mène donc la barque de sa galerie depuis 20 ans, non seulement multiplie les projets mais les concrétise jusqu’au bout, et plutôt bien. A l’exemple – et à l’exclusion de son opération Un été français, avec l’invitation faite à trois galeries parisiennes d’occuper de juin à août (2021) les cimaises de la rue Wiltheim, avec une sélection d’artistes de leur choix, opération qui fut une totale déception –, à l’exemple, dis-je, de Luxembourg Art Week (LAW) et de l’installation de sa récente succursale à Bruxelles.


Notez que si sept galeries de la capitale belge sont mises à l’honneur pour cette 7e édition de LAW, précisément dans la section «Focus» (je reviens ci-dessous sur les grandes lignes), c’est juste un hasard de calendrier, LAW 2021 étant la transposition physique de l’édition de 2020 (qui n’a pu avoir lieu que de façon digitale, Covid oblige), avec des contrats forcément conclus en amont, en 2019. Or, cette année-là Alex n’était nullement implanté à Bruxelles… même si c’est un rêve qu’il chérit depuis 10 ans et qui, aujourd’hui, prend corps: «le bébé est là», au 60 de la rue de la Concorde (1050 Bruxelles), «il a juste 3 mois», avec pour expo inaugurale, depuis le 9 septembre, visible encore jusqu’au 13 novembre, le peintre allemand Thomas Arnolds, escorté de nouvelles peintures de sa série Run (light), «une armada de motifs en partie brouillés, que l’on peine parfois à identifier au premier regard, une toile d’araignée, un crâne, un cobra, une arête de poisson», autant d’ «éléments voilés qui se frayent un chemin pour traverser, jouxter ou se superposer aux surfaces monochromes» (dixit Martin Germann). Infos tél.: +32(0) 2.411.11.85.


Si ce n’est pas de l’audace, ça témoigne pour le moins d’un esprit du «tout est toujours possible». Mais après quoi Alex court-il donc? Réponse sans appel: «ça n’arrête jamais quand on court !»


Pas au point d’aussi installer une galerie à Paris, par exemple? Eh non. Question de finances, hormis le fait que nombreux sont les artistes de son «écurie» déjà présents sur la scène parisienne.

En tout cas, jouissant désormais d’une notoriété hors frontières – rançon de 20 années «made in Luxembourg» à l’affût d’œuvres et d’artistes –, Alex, à la tête d’une équipe de six personnes, estime qu’il est l’heure de relever un nouveau défi: «Je dois sortir. Investir mon énergie – par ailleurs déjà impliquée dans des événements structurels nationaux comme le LEAP – dans la recherche de davantage de collectionneurs». Et ça, précise-t-il, «c’est une question de programmation et d’affinités».


«Je veux surtout faire la promotion d’artistes qui ont des positions que j’estime importantes. Mon challenge, c’est de porter ces artistes en avant. Et dans une grande ville, c’est optimal. Et à Bruxelles mieux qu’à Paris».


«A Bruxelles, tout est à faire. Il me fallait aussi trouver une personne de confiance, disponible, mobile, en l’occurrence Saryna Nyssen, ce qui a précipité la concrétisation du projet». Et puis, «à 50 ans, si les étoiles s’alignent, c’est le bon moment».


Mais quelle est la ligne de programmation d’Alex Reding? «Moi, je n’ai rien de ce qui focalise le regard ambiant, comme le décoratif, le street urbain ou le post-Internet. Mon public est plus spéculatif, moins purement luxembourgeois. Donc, ce que je propose est autre et il se fait que j’arrive à toucher 30% de public avisé».


Et donc, c’est quoi la botte secrète Reding? «C’est une forte empreinte de la peinture liée à l’histoire de l’art, c’est une véritable réflexion sur la peinture, une vraie analyse sur la création, sa motivation existentialiste, soit: la rencontre de l’homme et du monde et comment on synthétise ça dans une œuvre».


La preuve avec Manuel Ocampo – artiste philippin dont l’expo Aesthetic of Discomfort expire (rue Wiltheim) ce 23 octobre (on se presse donc pour voir ou revoir !). «Ocampo maîtrise tout», dit Alex, «il a tout compris de l’humain, de l’humanité, du vivre ensemble. C’est une oeuvre forte… mais pas séduisante. Ocampo est de ces artistes dont tu sens que leur vie est en jeu, du coup, tu les suis, tu y crois. Chez Ocampo, il y a aussi une dimension politique, ses collages photos sont clairement pétris par le colonialisme».


Programmation engagée, donc, à la parfaite image d’un Alex en phase avec les fureurs du monde, qui ainsi s’indigne de ce que certains pays, actuellement, au sein même de l’Europe, «renvoient des femmes violées à leurs casseroles», et « trient les gens comme si les migrants n’étaient pas des humains».

Et d’être convaincu que l’art a un rôle à jouer dans l’éveil des consciences, précisément, «parce que l’art, c’est la conscience.»


Notez dans la foulée que Su-Mei Tse sera la prochaine invitée des cimaises de la rue Wiltheim, dès le 28 octobre.


Et que l’espace «Projects» accueille en ce moment Sophie Ullrich artiste allemande née à Genève en 1990, vivant à Düsseldorf: son Daily history podcast (ou Podcast d’histoire quotidienne), habité par des personnages réduits à de simples courbes, traite avec humour de notre nouveau quotidien: l’insécurité et la distanciation sociale. Jusqu’au 20 novembre.



Et pour finir, voici les axes majeurs de Luxembourg Art Week. En chiffres: «Plus de 80 galeries, institutions et associations d’artistes, 3 continents / 12 pays représentés, 78% de galeries étrangères». Reparties en trois sections, «Main Section» – dédiée aux galeries établies présentant des artistes à la renommée internationale –, «Take Off» – section réservée aux institutions, organisations et collectifs d’artistes, permettant de découvrir des multiples ou des créations inédites à prix abordables – et Focus Brussels, le tout sur … les 5.000 m2 d’une «construction éphémère rigide» installée sur le champ du Glacis: un nouveau lieu, donc, la Halle Victor Hugo, camp de base originel, étant réquisitionnée cette année comme centre de vaccination covid.


«Si le chapiteau permet une augmentation des dimensions des cimaises, et une meilleure fluidité, c’est une économie privée qui engage une somme colossale». Dès lors, ponctue Alex, continuer à l’avenir avec le chapiteau, c’est à voir… «si le système économique fonctionne».

Repères: LAW 2021, ouverture au public vendredi 12/11, de 10.30 à 18.00h, samedi 13/11 de 10.30 à 19.30h et dimanche 14/11 de 10.30 à 18.00h.


Et ce n’est pas tout. Comme à son habitude, la Luxembourg Art Week présentera, en parallèle de la foire, un plantureux programme d’événements de qualité in situ et hors-les-murs, outre le traditionnel Salon du CAL au Tramsschap. En vrac: les conférences The post-Brexit art market (le 11/11, 17.30h) et La taxation des transactions d’œuvres d’art au Luxembourg (le 12/11, 17.30h); l’expo Freigeister. Fragments of an art scene in Luxembourg and Beyond au Mudam Luxembourg (vernissage le 10/11); les performances Forever Im migrant (Tattoo) de Marco Godinho (avec Yung-Chi Ku, tattoo artist) le 13/11 (10.00 -13.00h et 14.00 -18.00h), de Catherine Lorent et Tom Früchtl, le 13/11 (11.00h), de Karolina Markiewicz & Pascal Piron (avec Yuko Kominami, chorégraphe, et Kevin Muhlen, musicien) le 13/11 (11.00h), de Sophie Jung le 14/11 (11.00h) et de Filip Markiewicz le 14/11 (15.00h).


En intensifiant ses interactions avec les institutions culturelles de la Ville (Mudam, «Casino», MNHA, Rotondes, Institut Camoes…), et d’Esch/Alzette (Konschthal Esch), la foire «poursuit par ailleurs ses collaborations avec les principales institutions culturelles de la région en proposant un programme exclusif de visites privées, performances et moments de rencontre privilégiés avec leurs directeurs d’institutions, commissaires d’exposition et artistes dans le cadre du Programme VIP».


Tout savoir sur: www.luxembourgartweek.lu

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