Ecriture du matin. Fenêtre ouverte sur les oiseaux qui pépient en chœur, comme une fanfare de printemps. Or, à la fanfare, le prodigieux William Kentridge y a aussi recours, pour traduire sa joie… désespérée – ou sa désespérance joyeuse –, chaloupée par un esprit dada.
En attendant qu’enfin je vous promène dans cette œuvre magistrale (pour rappel, au cas où vous auriez vécu cette semaine sur une autre planète, Kentridge s’expose au Mudam), voici une troublante halte peinture, celle du Britannique Michael Simpson, découverte à la galerie Nosbaum Reding, qui n’a pu – faute à la situation sanitaire – fêter son 20e anniversaire… en fanfare.
Eh oui, c’est en janvier 2001 qu’est née la galerie alors baptisée Alimentation Générale – en raison de son ancrage dans un ancien commerce de détail sis Place de Strasbourg à Luxembourg-gare – et qui , en 2006, a déménagé «au cœur de la vieille ville», s’installant dans deux espaces de la rue Wiltheim en «ouvrant grand ses portes à la création internationale». En l’occurrence, aujourd’hui, à Michael Simpson, nous y voilà.
Peinture minimale que celle du Britannique Michael Simpson (né dans le Dorset en 1940) et pourtant, étonnamment émouvante. C’est une peinture… habitée. Par sa lumière – une caractéristique picturale physique, formelle – et par une présence, de celle qui nous incline à croire, sinon à percevoir autrement ou au-delà. Point n’est question de religieux, sauf à concéder que l’art est une religion, ou un vecteur de réflexion quant à ce qui échappe à la fois à la raison et à illusion.
La chaise et le banc, deux métaphores de l’attente, composent avec l’échelle – motif symbolique de l’élévation, au sens concret et au sens figuré – le vocabulaire de Simpson. Qui se soucie toutefois moins d’employer des images que de créer des surfaces…. de projection (quasi) métaphysique. Qu’est-ce qui nous est donc donné de voir? A chaque toile, une surface plane, parfois lisse et vert-de-gris, le plus souvent blanchâtre, travaillée avec des transparences, des traces, des accidents, comme on le dirait d’un mur décrépi. Contre lequel, justement, repose une échelle ou, parfois, une haute et large latte, noire comme du bois et graduée par des échelons. A l’idée de gravir se greffe ainsi la notion de temps.
Il y a le temps qui passe – selon les ombres projetées –, le temps du regard – mystifié, au point de prendre donc pour crédible un mur qui n‘existe pas – et le temps de la méditation – susceptible, par les mêmes ombres projetées, de nous transporter «dans un autre monde». Avec sa «mécanique de peinture», ses surfaces construites comme des espaces illusoires, Simpson interroge le plaisir que nous tirons de l’illusion, il interroge notre perception. Et qui est, somme toute, une forme strabisme –ou squint en anglais.
Et puis, il y a un temps historique, celui des léproseries, celui des «trous aux lépreux», ce dispositif architectural typique des églises médiévales qui permettait «aux «indésirables» de la société d’assister à la messe depuis l’extérieur grâce à une petite fente pratiquée dans le mur» – les obligeant ainsi... à loucher – et que l’artiste invoque en un simple rectangle de couleur, déposé comme un clandestin dans un angle de la toile. Ce leper squint plonge le travail de Simpson dans une autre dimension, celle de la ségrégation (organisée par l’institution/ communauté ecclésiastique) et celle de la croyance, autre strabisme.
La série picturale exposée, évidemment intitulée Squint par polysémie, s’accompagne de dessins, des papiers de petit format, conçus ou non comme des études aux toiles (toutes de 230 x 108 cm) et réalisés (c’est selon) à l’encre, à l’aquarelle, à la gouache, à la craie ou à l’huile. Avec, cette fois, la récurrence du motif du confessionnal, cet isoloir clos qui dit à la fois le pénitent et le recueillement, où deux chaises vides se font face. Et font face au silence… Ces dessins sont alignés dans le second espace de la galerie, à l’allure… de chapelle.
Infos:
Galerie Nosbaum Reding, (2 + 4, rue Wiltheim, Luxembourg): Michael Simpson, Squints, peintures et dessins, du mercredi au samedi, de 11.00 à 18.00h, jusqu’au 6 mars. Tél.: 28.11.25-1, www.nosbaumreding.lu
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