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Marie-Anne Lorgé

Les plages et les soirs de décembre

«Marcher est une autre façon d’écrire», dit Antoine Wauters le sensible, auteur de Le plus court chemin (Verdier), prix Victor Rossel de Littérature 2023 – magnifique livre à offrir à celle/celui/ceux à qui vous voulez du bien (on peut ne pas attendre le sapin) –, en ajoutant «Il y a des mondes passés sous chaque pas».


Et ce matin, après le chant du percolateur, la campagne autour de moi a rallumé des voix, des images aussi, comme dans une boule à neige, un mélange de mandarine et de guimauve, de toits qui fument et de chemins creux qui dorment, de clairières immobiles…



«Si on ouvrait les gens, on trouverait des paysages». Et peut-être des plages, du moins selon Agnès Varda, cette figure culte du cinéma français, qui, en 2008, en un film éblouissant et touchant, précisément intitulé Les Plages d’Agnès, faisait à reculons son parcours de vie en arpentant les plages qui ont façonné son regard.


Et j’ai repensé à ça, à la puissance émotionnelle, voire métaphysique de la nature, devant les abstractions, les… plages de couleur de Robert Hall, artiste américain (depuis longtemps installé au Luxembourg), sans doute né en bord d’océan pour en éprouver tant la magnitude, pour faire l’expérience du… sublime, une «métaesthétique», cette activation de l’imagination poétique qui donne accès à une autre réalité du monde. Ou à un monde autre.


Alors, voilà, sur toile, bois ou carton, il y a le geste, le pinceau et ses couches de couleur, ses dégradés (gris, verts, bruns, bleus) habités de lumière, qui, moyennant une séparation chromatique suggérant l’ici bas et l’horion, racontent le ciel, la brume, l’hiver, la terre, aussi donc la mer. Des immensités qui absorbent l’homme, le dissolvent, ces paysages d’avant l’humanité, ceux-là qui lui survivront, après sa disparition. En silence (visuel ci-dessus: Field of Dreams, acrylique sur bois).


Mais dans cette tentative de capture de l’infini, le rêve est ambigu. Qui courtise le vide, accablant. Angoissant. Du reste, sitôt que les couleurs se mettent en colère, se gorgent de rouge ou mangent la composition comme une nuit, ciels et champs disent la destruction, en l’occurrence dans une série de petits et moyens formats ébranlés par la guerre en l’Ukraine.


Avec Still, Robert Hall expose actuellement (et jusqu’au 30 décembre) chez Fellner contemporary (2, rue Wiltheim, Marché-aux-Poissons, Luxembourg). Et il n’est pas seul. A ses côtés, le sculpteur Pit Molling présente In Transition. Et là aussi, l’homme est absent.



Sur un élément de bois foncé – une pièce de mobilier ou un ancien outil – surgit une excroissance, la greffe d’une sorte d’étrange mousse, tantôt organique tantôt géométrique, montée comme une meringue rigide grâce à … l’acide polylactique (le PLA), ce matériau de plastique utilisé pour l'impression 3D.


Et c’est ainsi que Pit Molling Prix de la sculpture Schlassgoart 2022 – réalise l’alliance du savoir-faire (menuisier) et de la technologie. Ce qui sous-tend une alliance des temps, de l’hier et du futur. En tout cas, le résultat de ce travail sculptural méticuleusement anticipé/dessiné/ documenté est «une expérience esthétique inattendue», d’une grande séduction. Et ça nous dit quoi?


Ça parle d’évolution, de transitoire, de la vie secrète des choses, de leur croissance en «des formes telles qu'elles pourraient ou auraient pu se produire». Toujours est-il qu’au fil de ces scénarios de métamorphoses possibles, le matériau prend de l’assurance, comme doté d’autonomie, tricotant des variations de textures et de tons, le PLA se contorsionnant comme une peau, jusqu’à l’imitation d’un organisme vivant (visuel ci-dessus). 


Pill Molling nous raconte un monde d’après où la technologie sert d’intermédiaire, voire d’incubateur. Fable ou prémonition? Réponse jusqu’au 30 décembre (mer - sam: 11.00 -18.00h)  chez Fellner contemporarywww.fellnercontemporary.com



On a pu croiser Pit Molling lors de la dernière Art Week, sur le stand mediArt. Et on le  retrouve actuellement à la Villa Vauban (Musée d’art de la Ville de Luxembourg) – dès l’entrée, sa sculpture (création numérique blanche) Elephant in the room fait face à la peinture très grand format Mer de vert de Tina Gillen.


La Villa Vauban rime avec peintures de maîtres anciens, des XVIIe au XIXe siècle, grosso modo puisées dans les collections de Jean-Pierre Pescatore (1793–1855) et de Leo Lippmann (1808–1883). Mais cette fois, Bienvenue à la Villa! est une exposition qui offre un aperçu des acquisitions récentes du musée dans le domaine de l’art contemporain – récentes, ça veut dire dans un laps de temps de 2 à 5 ans, sachant que dans sa politique d’achat, le musée enrichit sa collection de 20 à 30 oeuvres par an.  


Et donc, actuellement, et jusqu’au 20 mai 2024, ce qui se donne à voir, c’est une soixantaine d’oeuvres (peintures, dessins, sculptures, photos) de 41 artistes «appartenant à des générations différentes, dont la plupart sont domiciliés au Luxembourg ou vivent et travaillent à l’étranger en tant que Luxembourgeois(e)» critère élastique qui permet l’accrochage d’une oeuvre (de 1967) de la Française ORLAN se photographiant en contre-plongée sur un escalier (une citation du tableau de Marcel Duchamp de 1912 qui fit scandale), postulant que ce qui fait en l’occurrence lien avec Luxembourg, c’est… la galerie Ceysson.


Pour la lisibilité de cette expo collective, les artistes ont été regroupés en 8 ensembles thématiques censés «refléter les multiples centres d’intérêt de la création artistique contemporaine (luxembourgeoise)». En vrac, après Across the border, titre de la première salle, avec Tina Gillen et Pit Molling, suivie de Empowerment désignant un art féministe (avec ORLAN, Elina Brotherus, Berthe Lutgen et Germaine Hoffmann), il y a Images of humanity, lot consacré au portrait, avec Stéphanie Uhres, Nina Mambourg, Moritz Ney, Nathalie Reuter, Patrick Galbats, Laurent Turping et Roland Schauls – qui, parallèlement, expose ses Nouvelles fantaisies à la galerie Reuter Bausch (14 rue Notre-Dame) jusqu’au 23 décembre.


Sous Shapes and surfaces, des oeuvres abstraites «se distinguent par leur matérialité»: collages de Patricia Lippert et André Haagen, carreaux (rebuts) de céramique peints de Julien Hübsch – prix Grand-Duc Adophe 2023, exposant aussi à la BIL, dans Lëtzebuerg an Europa –, aquarelles sur papier de Roland Quetsch – nommé pour le prix d’art Robert Schuman 2023 (visuel ci-dessus: répétition de capsules colorées en flottaison intitulée o8o822-2), supports-surfaces de Nina Tomàs et Sandra Lieners, et délicats pliages en terre cuite de Pit Nicolas.


Dans la cage d’escalier, au chapitre Crossroads, une sculpture murale en béton polychrome de Bertrand Ney mesurant le temps et des photographies de Séverine Peiffer. Ensuite, Identity / Boundaries regroupe des travaux qui «s’intéressent avant tout au rapport de l’homme à lui-même et au thème de l’isolement»: Miikka Heinonen, Joachim van der Vlugt, Mike Bourscheid l‘iconoclaste avec un arrêt sur sa performance Le danseur de cactus, mais le frère, Anna Krieps et sa série analogique (noir & blanc) Tête à l’envers, Lisa Kohl et Halidom, photo picturale, métaphore de la présence et de l’absence, Carine Kraus et ses mouvements acryliques, ses plis et atmosphères, Jim Peiffer et ses créatures ethno sur carton (boîte dépliée), hybridant Basquiat ou Dali, puis Jip Josée Feltes et Pit Riewer.


Dans les travaux réunis sous Artificial/ Lost Places, des «objets apparemment banals prennent une nouvelle signification grâce à des perspectives inhabituelles»: dans Gonflable, Anni Mertens transforme un boudin d’argile en une bouée absurde; dans From a Distance, Hisae Ikenaga questionne l’industriel et l’artisanal en un monticule de petites chaises équilibristes; quant au photographe Daniel Wagener, il capture l’objet insolite de l’espace urbain – lauréat du Luxembourg Photography Award 2023, son installation Opus Incertum a été exposée cet été aux «Rencontres d'Arles»; se succèdent Spike le graffeur, Yann Tonnar, autre photographe arpentant Luxembourg dans ses périphéries et ses failles, et Michel Medinger, photographe aussi facétieux que patrimonial, 40 ans de pratique, avec sa série Pompes à essence – lauréat du Luxembourg Photography Award 2024, Medinger succèdera à Wagener aux prochaines Rencontres arlésiennes.


Enfin, Sensual présente des natures mortes et paysages contemporains (Chantal Maquet et ses caissons lumineux, Jim Peiffer, Arny Schmit et Tine Krumhorn).


Quoiqu’il en soit de la pertinence ou non de ces catégories et du positionnement de tel artiste dans un chapitre plutôt qu’un autre, Bienvenue à la Villa! est bel et bien une vitrine, certes aussi conventionnelle que non exhaustive. Disons, une prise de pouls de la scène plastique à l’instant T. Infos: www.villavauban.lu

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J’en profite pour vous signaler que la galerie Schlassgoart (pavillon du centenaire/ArcelorMittal) à Esch/Alzette rend hommage à Marc Henri Reckinger, artiste engagé (né en 1940), dont l’ensemble de la carrière a été saluée par le Konschtpräis 2024 deux jours avant son décès (à 83 ans, en août 2023) – 2024 sera une année Reckinger, notamment avec la rétrospective que le Nationalmusée um Fëschmaart lui consacrera en septembre.


«Vétéran de l'aventure alternative de la Grange de Consdorf dans les années soixante, il a pratiqué son art militant dans tous les média y compris celui des «Mobiles». Ces dernières années, Reckinger s'est concentré sur une peinture qui articule la complexité de la politique et les aléas d'une société injuste». Expo accessible jusqu’au 22 décembre, du mardi au samedi de 14.00 à 18.00h (avec aussi des oeuvres complices de Claire Weides-Coos, Henri Goergen, Rol Steimes et Hubert Wurth).

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Sinon, partant de la Villa Vauban, quid du sort de ces œuvres, promises à un long sommeil, soigneusement conservées dans la collection muséale?   



Cette question est précisément celle qui titille le Mudam, qui explore «les possibilités qui émergent lorsque les collections de musée sont réimaginées, non plus comme des réserves d’objets du temps, mais comme des environnements actifs et performatifs». 


En fait, le Mudam questionne profondément sa pratique muséologique, «non pas seulement comme un espace de représentation mais aussi comme un endroit où élaborer et entretenir des récits…». Et son actuelle carte blanche confiée au Libanais Rayyane Tabet, architecte de formation, est un modèle du genre. C’est à la fois beau, intelligent et sensible (visuel ci-dessus: A Model: Prelude − Rayyane Tabet. Trilogy © Photo: Studio Rémi Villaggi | Mudam Luxembourg).


J’y viens en bout de post.


Le temps d’épingler d’abord ce qui ne souffre pas d’attendre. 



Cochez le CinéCentaure, un festival de captations de productions passées que le Théâtre du Centaure propose dans son historique cave voûtée («Am Dierfgen», 4 Grand-Rue, Luxembourg), jusqu’au 17 décembre – soirées animées par les metteurs en scène des spectacles. Idéal pour ceux qui n’ont pas eu l’occasion de voir lesdits spectacles lors de leur création.   


Oui, ça a déjà commencé le 6/12, mais il reste possible d’assister à A la recherche des temps modernes ce 8/12 (certes, il s’agit de se hâter!), et à Illusions (mise en scène de Sophie Langevin) le 9/12, puis à Mesure pour mesure (du Shakespeare mis en scène par Myriam Muller) le 10. Ensuite Truckstop le 13, Erop (mise en scène de Fábio Godinho) le 15, Performance le 16 et enfin, Les Justes (d’Albert Camus, mis en scène par Marja-Leena Junker) le 17décembre.  


Les projections comment à 18.30h les jeudis et dimanches, à 20.00h les autres jours. Et c’est entrée libre. 


Autre festival, celui de Textes sans frontières. Initié par la Kulturfabrik et le Théâtre du Centaure en 2003, le festival célèbre ses 20 ans. Et c’est une édition anniversaire africaine (visuel ci-dessus). Késako?


Rassemblez des textes contemporains issus d’un pays ou d’une région du globe, des artistes de théâtre réuni·es pour l’occasion, dans plusieurs lieux de spectacle de la Grande Région… et vous obtenez ainsi le Festival Textes sans frontières. Cette année, c’est donc l’Afrique qui est mise à l’honneur de cet événement: cap en Ouganda, au Cameroun, au Bénin et au Nigéria.


Plus que de simples lectures, les textes sont joués sous une forme scénique légère. L’enjeu est de faire vibrer ces fragments de vies, puis de se retrouver ensemble, public, auteur·rices, traductrices, metteur·es en voix (dont Maria-Leena Junker, Fábio Godhino) et comédien·nes (dont Pascale Noé Adam, Brice Montagne), pour en discuter autour d’un brunch composé de spécialités africaines.

 

Ce qui sera exactement le cas ce 10 décembre, au Esch Theater, salle de l’Ariston, de 11.00 à 16.30h, avec l’intégrale de 4 lectures – J’ai rendez-vous avec diEU d’Asiimwe Deborah Kawe, Les filles de Chibok de Wolé Oguntokun, Et caetera de Kouam Tawa et Les Inamovibles de Sedjro Giovanni Houansou. Entrée libre, mais réserv. brunch (10 euros): collectifbombyx@yahoo.com


Ensuite, nomade, vagabond et transfrontalier, «Textes sans frontières» circulera du 11 au 21 décembre de Troyes (Théâtre La Madeleine) à Longwy (Médiathèque), de Nancy (Université de Lorraine) à Esch Belval (Université du Luxembourg), de Metz (Espace Koltès) à Thionville (Nest). Terminus le 21/12 à Vauban, lycée français du Luxembourg. Pour tout savoir du périple – le quoi, le qui, le où et à quelle heure, intégrale ou non, avec ou sans brunch –, infos: www.ebmk.fr, www.nest-theatre.fr, eschertheater.lu, collectifbombyx@yahoo.com

 

Cette fois, on y est au Mudam – Musée d’Art moderne Grand-Duc Jean, Luxembourg.



On traverse le Grand Hall, puis le Jardin des sculptures, et là, dans le Pavillon Henry J. and Erna D. Leir, et même au sous-sol de cette structure de verre à clocheton, installation il y a d’un impressionnant ensemble (sur étagères) de 200 carafes. Eh quoi?

En fait, ce faisant, l’artiste ravive le souvenir traumatique de l’explosion du 4 août 2020 à Beyrouth – explosion de 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium entreposées dans le port de Beyrouth, provoquant la mort de 230 personnes, en blasant 7.000 autres –, en même temps qu’il fabrique une forme de réparation symbolique, au demeurant belle à couper le souffle, les carafes étant toutes produites à partir des fragments de verre – provenant des 25.000 tonnes de bris de fenêtres de la ville et au-delà – récupérés sur place (visuel ci-dessus: From Window to Jug, 2020-2023).


Il y a donc 3 ans. «A ce jour, pas une seule personne n’a été tenue pour responsable de l’explosion et l’enquête est continuellement entravée par les ingérences politiques dans le système judiciaire».


Beyrouth? Et pour cause, l’artiste en question, c’est Rayyane Tabet, né en 1983 à Achkout, au Liban.


Qui, pour bâtir son œuvre, conjugue mémoire historique – celle du lieu où s’installe son projet, en l’occurrence le Mudam, dont l’architecture due à Pei croise l’histoire du Luxembourg, à savoir l’émergence d’un temple d’art et de culture sur les ruines d’un bastion militaire – et souvenirs personnels perfusés par des contextes (socio-cuturo-politico) contemporains, libanais mais pas que.


Et donc, fort de la carte blanche qui lui a été confiée, l’invitant à développer un projet spécifique pour le Pavillon, Tabet imagine Trilogy, une oeuvre installatoire singulière, à la fois intime et spectaculaire, porteuse de récits. Ce qui rencontre justement le questionnement muséologique de Bettina Steinbrügge, la directrice du Mudam, qui met en place un programme baptisé A Model, invitant/demandant aux artistes de parler de leur approche d’un musée, du Mudam en particulier. Et Tabet, est le premier de la liste, il est le Prélude à A Model.


Et Trilogy, concrètement, ça donne quoi? D’abord, Sheer Curtains, 1950-2023, des rideaux translucides, en enfilade, habillant les vitres de la passerelle qui mène au Pavillon. Ce sont les rideaux que les grands-parents de Rayyane ont installés à leur mariage, en 1950, en emménageant dans un appartement de famille à Beyrouth, afin de remplacer les épais velours sombres et brodés qui étaient là depuis les années 20.


Toutes ces précisions composent précisément le récit de l’artiste Tabet, qu’il consigne noir sur blanc dans le livret-guide de l’expo, un texte qui participe de l’œuvre, comme un acte performatif – et qu’il convient de lire et de conserver soigneusement, c’est une plus-value, et c’est aussi troublant qu’édifiant.


Pour ce qui est des rideaux, Tabet de détailler que, légers et peu onéreux, ils étaient fabriqués dans un matériau alors nouveau, le Tergal, produit à partir de fibres synthétiques de la famille des polyesters, comme la rayonne. Rayonne employée, pendant la Première Guerre mondiale, comme substitut à la gaze de coton sur les champs de bataille… Du reste, le disulfure de carbone, l’un des composants du Tergal, est un élément hautement toxique, altérant la santé des personnes impliquées dans le processus de tissage…


Et tout ça flotte dans la lumière des larges baies de Pei…


Ensuite, on pénètre dans le Pavillon, dont la verrière est entièrement recouverte d’un film bleu: c’est atmosphérique, hypnotique. Sauf à savoir que ça évoque une ruse de camouflage utilisée par la population civile de Beyrouth durant la guerre des Six Jours en 1967. Aussi, dans l’installation intitulée Six Nights, pour correspondre aux nuits du 5 au 10 juin 1967, suspension il y a de phares de voiture, peints en bleu, tout comme les fenêtres, afin de contourner le couvre-feu, «la lumière bleue étant moins visible depuis les avions bombardiers».


Et tout n’est pas dit. A l’intérieur du pavillon architectural du Mudam, tout en y faisant planer «le crépuscule sans fin où le monde arabe fut plongé en 1967», Rayyane Tablet fige un autre intérieur, celui d’une chambre du… sanatorium de Paimo: cet établissement de cure (contre la tuberculose) fut construit en 1929 et 1933 dans la ville finlandaise de Paimo, et il est le fruit du travail de l’architecte Alva Aalto (1898-1976), l’une de ses œuvres les plus emblématiques. Or, il se fait qu’en 2000, avant même son ouverture (qui date de 2006), le Mudam a acquis des pièces de mobilier d’une chambre dudit sanatorium de Paimo d'Aalto, dont une porte, un fauteuil, une penderie, un lavabo (revoir le visuel «bleu» ci-dessus).  


Et c’est ce mobilier que Tabet réactive dans son «obscurité d’un bleu profond», où se télescopent les temps et les tragédies, en dialogue avec ces stratégies que l’art contemporain inspire ou bouleverse. CQFD. Du coup, la Collection Mudam n’est plus une archive statique mais un autre type d’architecture de société et d’humanité.


Infos:

Mudam Luxembourg – Musée d’Art moderne Grand-Duc Jean, 3 Park Dräi Eechelen, Luxembourg-Kirchberg: A Model: Prelude. Rayyane Tabet. Trilogy, jusqu’au 12 mai 2024, mudam.com

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