Ça s’agite. Dans les fourneaux et les papiers cadeaux. Aussi dans ces «bons sentiments» qui ont mauvaise réputation, taxés d’hypocrites, assimilés aux «bonnes intentions» – celles-là qui dégoulinent sous le gui du premier de l’An… ou sous les accords d’une COP.
Aujourd’hui, force est de constater qu’il est effectivement de bon ton (en rue, dans la sphère politique, scientifique ou académique) de moquer lesdits «bons sentiments»… mais comment en est-on arrivé là? N’y a-t-il personne dans l’avion pour redonner sa juste place à la valeur de cela qui est tout autre chose qu’un mot, comme le partage. Comment en est-on arrivé à rendre l’altruisme suspect, déjà à ne plus oser l’émotion qui l’inspire sincèrement?
Je me suis dit ça, ce matin, entre boule à neige et étoiles dorées. Je me suis dit qu’il était douloureux d’être seul(e) en cette période… sans doute comme en n’importe quelle autre… mais plus encore qu’en n’importe quelle autre. Que la disparition rend certains objets particulièrement sensibles, des bricoles – une guirlande mitée, un angelot amputé d’une aile, un santon ébréché, une bougie encore parfumée – que l’on ne remarquait plus mais qui, soudain, nous tombent dessus sans crier gare comme des flashs du passé.
Ce qui aussi me tombe dessus, c’est une phrase de Thomas VDB, chroniqueur de France Inter devenu humoriste, ex-critique rock urbain reconverti en artiste néo-rural, qui, pour contrer l’écoanxiété, relaie l’astrophysicien Aurélien Barrau prônant une révolution poétique, et non plus industrielle: «Dans un monde privé d’espoir, la quête de beauté apporte plein de sens».
Moi, ça me va. Alors, voici une rasade de magie et d’amour (j’vais m’gêner peut-être?) mijotée sur scène et par le pinceau.
En passant, et parce que tout le monde en parle, je me fais aussi/ici l’écho, sans toutefois m’y attarder aujourd’hui, de la future Biennale d’Esch, laquelle, du 17 mai au 28 septembre 2024, s’attachera aux architectures visibles et invisibles – il y aura des fêtes populaires, une Nuit des bals, un parcours circassien, une comédie musicale, Sl’Esch, au Conservatoire, le projet Dis-Placed à la Konschthal Esch, explorant le thème du foyer et du sentiment d’appartenance à une communauté, Playtime au Bridderhaus, un ensemble de propositions sur l’idée du jeu en architecture, et puis, Elektron, un programme dédié à l’art numérique, quant à la Kufa, elle proposera des concerts dans des lieux inédits tenus secrets jusqu’au dernier moment, le tout sans compter les événements mettant en lumière le patrimoine architectural, à commencer par le Musée de la résistance et des droits humains …
Déjà curieux? Alors, jetez un oeil sur eschcapitaleculturelle.lu
Sinon, hop, c’est parti pour la magie et l’amour…
Aux Rotondes, les ficelles des spectacles jeune public de qualité n’ont plus de secret(s), c’est un vivier de pépites du genre. La preuve avec Ballon Bandit de INTI Théâtre (Bruxelles), une pure gourmandise (de 35’, sans paroles, idéal pour les 2,5 à 6 ans, parents admis) où quelques vinyles de David Bowie et un ballon jaune suffisent pour transformer la solitude, en l’occurrence de Tom, «en une expérience poético-pop-rock rafraîchissante» (visuel ci-dessus). Les 7 séances prévues jusqu’au 27/12 affichent apparemment complet mais on n’est jamais à l’abri d’une belle surprise, alors surfez sur rotondes.lu… ou faites un sitting !
Et restez aux Rotondes pour le «Jingle Mingle X‑Mas Market» by Augenschmaus, the place to be pour trouver un cadeau original – créations uniques et produits artisanaux tous imaginés avec talent par des artistes, designers et producteurs locaux –- à mettre sous le sapin! Sans obligation acheteuse, ça rime aussi/surtout avec moment convivial à partager (musique, DJ set, food-truck au menu). C’est entrée libre le 16 décembre (dès 14.00h) et le 17/12 (dès 10.00h).
Bigre, le temps filant comme un bas, j’espère vivement que le spectacle Une histoire d’amour, création d’Alexis Michalik lauréate du Molière 2020, ne vous a pas échappé – ça se passait ce 14/12 à neimënster: dans ce récit, Michalik s’attaque avec élégance à une histoire d’amour lesbien, avec enfant né par insémination artificielle, mais qui va virer au mélodrame; la magie opère grâce au texte, cynique et drôle, et grâce à son humour, aussi à une mise en scène inventive et audacieuse qui ne laisse pas un instant de répit au public, en clair, là où l’histoire d’amour passe, ne la snobez sous aucun prétexte.
En tout cas, ça me permet de jeter un coup de projecteur sur GEM, ce programme de perles rares scéniques concocté par neimënster – en septembre 2024, du 05 au 07/09, GEM deviendra même un festival bisannuel, en alternance avec le festival de danse Aerowaves. En attendant, cochez déjà Life on Mars? le 23 février: il ne s’agit pas d’une pièce de science-fiction, mais d’une réflexion sur les solitudes contemporaines, «dans un moment où le temps bouleverse les liens sociaux». Un public averti en vaut deux… qui sera amené à sortir de sa passivité habituelle pour participer au spectacle.
Entre deux vins chauds, vous prendrez bien une pause musicale, avec Miniature, en vertu de l’originale sélection de pièces en solo ou duo imaginée par Pascal Meyer et Guy Frisch, tous deux musiciens de l'ensemble United Instruments of Lucilin, où toy piano, glockenspiel, triangle et autres petits instruments sortent le grand jeu. Le rendez-vous Miniature, c’est ce 17 décembre, à 17.00h à la galerie Nosbaum Reding (4 Rue Wiltheim, Luxembourg). Réservation conseillée à hello@lucilin.lu
Là où la musique fait farine au moulin des plasticiens – en tout cas de 14 sculpteurs et peintres belges (régionaux), hormis le photographe luxembourgeois Raymond Clément capturant Ray Charles et Miles Davis en noir et blanc –, c’est dans la salle la Harpaille, au Domaine de Clémarais, à Aubange.
En fait, jusqu’au 22 décembre – les samedis, dimanches, mardis et jeudis de 14.00 à 18.00h –, Music’Art, c’est bien sûr une expo – une inédite promenade entre les lithopones (pierres sonores) de Marc De Winter, la lutherie de Jean-Marie Liégeois, les tendres pyramides de musiciens en terre cuite du facétieux André Englebert, les chorales ou céramiques chantantes de Jacqueline Roumez, les ineffables dessins de l’inoubliable Jo Conrardy (1913-1933), les aquarelles de Jean-Benoît Dominicy croquant sur le vif, à l’aquarelle, l’instant suspendu d’un concert jazz, les huiles expressives de Madeleine Remy et celles du célèbre Paul-Georges Klein, peintre français né à Longwy en 1909, mort à Arles en 1994, mais qui, un temps, en 1970, installa son atelier à Temploux (près de Namur), ami de Brassens Brassens et de Brel qui le qualifiaient de «dernier ogre à boire de la tendresse» – une expo, dis-je, mais aussi un florilège de choses à «écouter voir». Comme le cabaret Amour et Grivoiseries (chant et piano) de la Cie Ah Mon Amour ce samedi 16/12, à 20.00h (réserv. tél.: +32.(0)63.38.95.73).
Dévernissage, le 22/12, en compagnie du pianiste Pierre Risopoulos interprétant Fantaisies et Rhapsodies de Bach, Mozart, Lizt.
Les fantaisies en cachant souvent d’autres, celles de Roland Schauls s’exposent à la Reuter Bausch Art Gallery (14 rue Notre-Dame) à Luxembourg. Je vous guide.
Non sans d’abord faire un crochet par le Cercle Cité, par sa vitrine de la rue du Curé, appelée pour la cause CeCiL’s Box, un mini espace d’expo, visible 7/7 de jour comme de nuit, dédié à des interventions inédites et éphémères «dans le but de susciter la curiosité des passants et d’interroger l’imaginaire collectif».
Pour le coup, l’imaginaire convoqué, c’est… Noël. Ou, plutôt, Yule, une célébration dans les sociétés anciennes, par les peuples d’Europe du Nord, du solstice d’hiver. Avec, dans l’arsenal des rituels pour assurer le retour du soleil, des festins et des feux, des prières aussi.
Et ce que nous raconte Alexandra Uppman, l’artiste (née au Luxembourg de parents finlandais suédophones) invitée de cette 31e CeCiL’s Box, ce qu’elle ambiance dans son installation Yuletide Dreams (visuel ci-dessus), c’est «la façon dont cette saison a évolué au cours du dernier millénaire», c’est aussi une «exploration d’autres récits et histoires autour de l’obscurité, du soleil et de toutes les nuances entre les deux». Toujours est-il que Yule, dans la version d’Alexandra, garde pignon sur rue jusqu’au 17 mars, avant-veille… de l’équinoxe de printemps.
A deux pas, voici donc les Nouvelles fantaisies de Roland Schauls, une trentaine de moyens et grands formats (à l’acrylique et au fusain, sur toile ou bois) où le peintre (luxembourgeois) réaffirme sa grammaire avec brio. Eh quoi?
D’abord, il y a le portrait, aussi maquillé et enfariné que fatigué, bâti sur un modèle de référence, le Pierrot du peintre des fêtes galantes, Antoine Watteau (1684-1721), le mythique personnage de la comédie italienne. Et il y a de ça dans l’univers de Schauls, de la comédie humaine, du théâtre désabusé (visuel ci-dessus: Distanz schwinde(l)t, acrylique et charbon sur toile, 200 x 130 cm).
Du reste, qui dit théâtre, dit rideaux, lesquels structurent chaque scène, séparant deux temps et deux réalités, à savoir: l’extérieur – qui s’ouvre comme une fenêtre sur un horizon de mer ou sur une vue pittoresque de Luxembourg, façon Kutter – et l’intérieur (plutôt cossu)… construit à coups d’aplats colorés, acidulés, fauves, traduisant géométriquement l’espace et les objets qui l’habitent, qui s’y accumulent frontalement, dont des boîtes, des piles de livres, surtout les fameuses chaussures typiques du fétichisme schaulsien, et des natures mortes, en tout cas des corbeilles de fruits… permettant à l’artiste de simplifier les volumes, d'affiner les rapports de taille et les accords lumineux des couleurs.
Et c’est dans ce bain d’Histoire de l’art, entre Cézanne et Matisse, aussi à la jonction de deux mondes, réel et métaphorique, que pose le personnage, sorte d’alter ego du peintre, sorte de jumeau de tout un chacun, en attente, ici mais ailleurs, impassible mais tout autre.
Infos: Reuter Bausch Art Gallery, 14 rue Notre-Dame, Luxembourg: Roland Schauls, Nouvelles fantaisies, peintures, jusqu’au 23 décembre, www.reuterbausch.lu
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