Yann Ney et Marc Soisson, les deux artistes dont les oeuvres dialoguent actuellement à la galerie Schlassgoart (Esch/Alzette), entretiennent un rapport singulier avec la nuit. Alors que le photographe Ney la transcende en même temps qu’il la magnifie, le plasticien Soisson y plonge, comme si elle était éternelle, comparable aux abysses.
En tous les cas, chacun à leur façon, Yann et Marc sont deux alchimistes. Complices de mirages mystérieux, aussi clairs qu’obscurs, et (quasi) métaphysiques. Donc, toute une atmosphère, un esprit aussi. Ça vaut le détour.
Certes, le passage des frontières se complique désormais, mais la culture existe/résiste et il reste possible d’y accéder… en aménageant son temps de travail (secteur politiquement essentiel !), tout en n’oubliant pas de réserver sa visite… masquée.
Marc Soisson nous parle des origines du monde, il arpente ce chemin à rebours, documentant par le dessin la vie d’avant l’Homme. Une vie pétrifiée, fossilisée. Du vivant mort. Et dont les traces traversent le temps comme des ombres.
Yann Ney, adepte de l’exploration nocturne surtout urbaine, s’échappe dans la campagne pour y faire naître… le surnaturel. Pas âme qui vive. Sauf une présence appelée lumière.
Marc défie l’invisible, Yann convoque l’immatériel.
Marc fabrique de l’allégorie, Yann de la métaphore.
Et alors que Marc compose du mythe, Yann provoque des transports et des transferts.
Et si l’imaginaire de Yann est plutôt aérien, ce qui prévaut dans le vocabulaire bio-géologique de Marc, c’est le monde marin.
Et selon, le temps entre en jeu, cyclique chez Marc, furtif ou fugitif chez Yann.
Au final, concrètement, ça donne quoi?
Sorte de chaman, Marc Soisson (né en1977 à Esch/Alzette) privilégie le papier. Un papier fait main. Tantôt tressé, tantôt cuit comme une croûte, coupé en rectangles, comme autant d’échantillons de planètes, avec la Lune martelée par une pluie, Mars rouillée par le minerai de fer et Mercure à l’allure de pierre ponce, au relief volcanique.
Sinon, l’univers de Marc gravite autour du dessin. Dessins souvent monumentaux, habités par une écriture hirsute, sismographique, parfois hantés par une symétrie des taches et des hachures noires proche du test de Rorschach; dessins tous gorgés de fusain ou de charbon, les pigments privilégiés de la boîte à outils et des expérimentations de cet artiste fasciné par la matière et les processus de transformation «actifs dans la chaîne de la vie».
Dans cette chaîne, au-dessus de métropoles – Londres, Amsterdam, Venise – aux prises avec les éléments, l’eau avant tout, comme des navires à la merci d’un monde désormais incontrôlable, flottent une pieuvre, un hippocampe et surtout, en référence à Paul Klee, un poisson rouge: une forme simple, une réminiscence primale, un symbole du vivant «mystifié par le progrès technique et scientifique».
Du noir, il y a en également dans le travail photographique de Yann Ney – né en 1986 à Luxembourg –, et du blanc aussi, et la neige n’y est pour rien.
A la nuit tombante, Yann s’évade de la ville. De sa torpeur. Grâce au potentiel poétique de la lumière, à son pouvoir conjugué de sublimation et d’apparition.
Agitant ainsi une barre LED face à l’horizon, Yann «peint» sur l’espace des vastes voiles lumineux, évanescents, qui dansent en toisant les étoiles, comme une aurore boréale. C’est beau comme tout ce qui est insaisissable.
Yann n’éclaire pas le réel, il le transforme. En même temps que naissent des paysages étranges, fantastiques, une autre magie opère, celle de la dissolution: les arbres, les maisons, les choses se dissolvent, et la ville, au-delà de l’image, au-delà de son image figée/pétrifiée (notamment par la menace virale), a l’allure d’un fantôme… qui, au petit matin, peut se réveiller autre, ou autrement.
Yann Ney, sculpteur de lumière, expérimente tous les ressorts du Light Painting. Ça va de l’image miroir aux constructions abstraites géométriques. Il y a même un transfert sur papier couché: un rendu pictural, une sensibilité d’aquarelle, avec une volute bleue ondulant dans l’azur, comme un possible réenchantement.
Assurément, Yann Ney est un faiseur d’illusions ou d’épiphanies.
Infos: Jusqu’au 12 février, galerie Schlassgoart (pavillon du centenaire/ ArcelorMittal), Esch-sur-Alzette, du mardi au samedi, de 14.00 à 18.00h. Inscriptions: nathalie.becker2@bbox.
Autre rendez-vous lumière, le 30 janvier, celui d’All we need is light de Martine Glod: une œuvre parrainée par Esch2022 (capitale européenne de la culture) et installée jusqu’au 27 mars dans le Pavillon Annexe22 d’Esch-sur-Alzette. Grâce aux vitrines du cube sur la «Brillplaz», les passants ont accès de jour comme de nuit à cette installation lumineuse (conçue à l’aide d‘une seule barre LED et d’un logiciel) inspirée des mandalas de sable de la tradition asiatique.
Infos: ouverture le 30 janvier, de 15.00 à 18.00h, selon certains créneaux horaires. Réservation obligatoire, tél.: 2883.2022.
Pour les fondus de clichés, direction neimënster (Centre culturel abbaye de Numünster, Luxembourg-Grund), qui héberge l’exposition internationale World Press Photo, reconnue depuis 1955 comme étant le plus grand et le plus prestigieux concours annuel de photographies de presse au monde (voir photo: Alejandro Prieto).
Rétrospective des événements les plus marquants qui ont émaillé l’année 2019, cette expo – soutenue par la Commission luxembourgeoise pour la coopération avec l’UNESCO, le Musée national de la Résistance et la fondation Zentrum fir politesch Bildung – réunit plus de 150 images primées, réparties dans huit catégories qui résonnent avec l’actualité: Actualités, Informations générales, Sujets contemporains, Portraits, Environnement, Nature, Sports et Projets à long terme.
Expo accessible (entrée libre) tous les jours, de 10.00 à 18.00h, jusqu’au 21 février.
Accompagnée d’un cycle de conférences et d’une table ronde sur la presse et la photographie de presse au Luxembourg, programmée le 21 février, à 19.00h, en présence de Christian Aschman, Sven Becker, Sophie-Ann Lindström, Jessica Theis et Guy Wolff. Réservation préalable à l’adresse: contact@neimenster.lu ou par tél.: 26.20.52.444.
Notez aussi les «Ateliers photographiques» animés, du 6 au 17 février, par le photographe Patrick Galbats, ou comment créer nos propres images à l’aide de notre smartphone en prenant en compte la composition, la lumière et le cadrage. Groupes de 8 personnes max. par atelier. Participation gratuite. Infos et inscriptions auprès du Zentrum fir politesch Bildung: fabienne.bernardini@zpb.lu
Enfin, pour ce qui est du Mois européen de la photographie, sachez que la Villa Vauban, actuellement fermée pour cause de travaux de mise à niveau technique – et qui rouvrira ses portes le 5 juin 2021 avec un parcours de chefs-d’œuvre intitulé Une promenade à travers l’art. Peintures et sculptures européennes, XVIIe –XIXe siècles –, la Villa Vauban, donc, accueillera dans son jardin l’installation Les paysages du Kairos des artistes Dominique Auerbacher et Holger Trülzsch, ce, à partir du 27 avril, dans le cadre du 8e Mois européen de la photographie.
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